Bruxelles envisage un régulateur unique pour les cryptomonnaies
Bruxelles envisage un modèle inspiré de Wall Street alors qu’elle pousse pour un régulateur unique chargé de superviser les échanges de cryptomonnaies et les plateformes de trading à travers l’UE. Selon un rapport du Financial Times, la Commission européenne souhaite proposer d’élargir le rôle de l’Autorité européenne des valeurs mobilières et des marchés (ESMA), lui conférant une supervision directe des grandes entités transfrontalières, y compris les bourses, les entreprises de cryptomonnaies et les chambres de compensation.
Un projet de proposition décrivant les plans pour unifier les marchés de capitaux et réduire le patchwork réglementaire à travers les États membres devrait être publié en décembre, dans le cadre d’un plus grand « Paquet d’intégration des marchés ». Une fois la proposition avancée, l’ESMA aura le pouvoir d’intervenir dans les litiges transfrontaliers, d’émettre des décisions contraignantes et de superviser potentiellement certaines des entreprises de cryptomonnaies et de trading les plus systématiquement importantes du bloc.
Une telle réforme, inspirée de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis, marquerait l’une des tentatives les plus ambitieuses de l’UE à centraliser la supervision financière et à s’attaquer à la fragmentation du marché de longue date.
Actuellement, la Commission « explore encore le potentiel de la supervision au niveau de l’UE » à travers les infrastructures financières critiques, y compris les lieux de trading, les dépositaires centraux de titres et les contreparties centrales, ainsi que les grandes entreprises transfrontalières telles que les gestionnaires d’actifs. « Nous envisageons différents modèles pour une supervision unique… du point de vue de l’équilibre entre l’intérêt de l’UE et l’expertise locale, » a-t-elle ajouté.
Appel à une « SEC européenne »
La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a été une fervente défenseure de l’achèvement de l' »union des marchés de capitaux » et a soutenu qu’un régulateur unifié avec de réels pouvoirs d’application est essentiel pour réduire les risques systémiques et garantir une supervision adéquate des entreprises transfrontalières.
« Créer une SEC européenne, par exemple, en élargissant les pouvoirs de l’ESMA, pourrait être la solution. Cela nécessiterait un large mandat, y compris une supervision directe, pour atténuer les risques systémiques posés par de grandes entreprises transfrontalières et des infrastructures de marché telles que les contreparties centrales de l’UE, » a déclaré Lagarde lors de l’événement.
Réactions et préoccupations
Cependant, tous les régulateurs ne soutiennent pas la direction de la Commission, certains avertissant qu’un superviseur centralisé pourrait ne pas agir dans le meilleur intérêt des petites nations disposant de centres financiers. Des responsables au Luxembourg et à Dublin se sont opposés à l’idée, arguant qu’elle pourrait désavantager injustement leurs secteurs locaux et transférer trop d’influence aux États membres plus grands.
« Nous aimerions avoir une convergence [de supervision] plutôt que de créer un modèle centralisé coûteux et inefficace, » a déclaré le ministre des Finances luxembourgeois, Gilles Roth.
De même, des participants de l’industrie de la cryptomonnaie ont également exprimé des doutes. Marin Capelle, conseiller politique chez Efama, le lobby de l’industrie des fonds européens, a averti que l’élargissement du rôle de l’ESMA entraînerait des coûts de conformité plus élevés et « signifierait des frais plus élevés payés par l’industrie. »
Comme précédemment rapporté par crypto.news, la Banque de France a déjà soutenu l’idée de confier à l’ESMA la supervision du marché des cryptomonnaies à travers le bloc. Selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, centraliser la supervision sous l’ESMA renforcerait l’application des règles et aiderait à se prémunir contre l’arbitrage réglementaire, en particulier dans le cas des stablecoins émis à la fois au sein et en dehors de l’UE. D’autres juridictions comme l’Autriche et l’Italie ont également soutenu l’idée de confier une supervision plus directe à l’ESMA.